Il y a eu l’avant, et l’après Centre Ressource…

Fin juin 2019, j’ai été dépistée atteinte d’un cancer de l’endomètre. Des gens me disaient « L’utérus ? Ce n’est rien, ça se soigne très bien… ». Oui, mais voilà : ce n’était pas l’utérus, mais l’endomètre. « C’est un cancer invasif, nous annonce le chirurgien, il faut faire vite. » Et il le fait : quinze jours après le « très probable dépistage de quelque chose de pas beau » par un premier chirurgien proche de chez nous, je me réveille de six heures d’opération, car l’opération sur le cancer s’est doublée d’une seconde sur l’intestin, très abîmé par de multiples brides intestinales évolutives depuis vingt ans. La cicatrice est très belle, longue, bien droite, mais fragile : c’est la troisième fois que l’on m’opère au même endroit, les deux premières, il y a vingt et dix ans, de l’intestin puis de brides.

Réveil agité, pour la première fois je crois voir la mort me tendre les mains. Puis diarrhées incessantes, réalimentation difficile, un petit mois chez moi, heureusement très soutenue par mon mari que je remercie : il prend tout en charge, cuisine, lessive, discussions avec notre fille de vingt ans, maman elle aussi, très inquiète et que je me sens incapable de rassurer.

Et puis premières chimios, je parviens à maintenir ma forme et mon poids malgré d’horribles et permanentes nausées, je suis contente, je vais voir un médecin du sport pour m’aider à reprendre un peu d’activité physique tout en respectant ma cicatrice. « C’est trop tôt, mais on se revoit en mars. » Il cherche au fond d’un tiroir et me tend une feuille :  « Tenez, renseignez-vous, c’est à Lyon, c’est une annonce de portes ouvertes au printemps mais depuis je crois qu’ils ont ouvert, je n’en sais pas plus mais ils doivent faire plein de choses intéressantes ! »

Centre Ressource de Lyon… Portes ouvertes… Je range la feuille, on verra plus tard.

Et un peu plus tard justement, début décembre, le couperet tombe : le scanner est mauvais, le cancer a repris, disséminé dans l’abdomen. L’oncologue, aussi triste que nous, prend son temps, elle est très humaine et pèse ses mots sans cacher la vérité. Elle me propose une autre chimio, plus agressive pour l’intestin, mais elle sera fractionnée, il faudra venir toutes les semaines. J’accepte, bien sûr. Mais c’en est trop, le coup est difficile, très difficile à supporter et à surmonter. Nous partons un peu en vacances, poussés par l’oncologue, entre deux premières nouvelle chimio les 24 et 31 décembre…

Je supporte cette chimio. Des diarrhées certes, mais qui semblent se calmer, et pas de nausées. Ouf. En janvier, je repense à « la feuille ». Je vais chaque semaine à Lyon les lundis me faire remonter psychologiquement auprès de quelqu’un que je connaissais déjà depuis longtemps. Pourquoi ne pas aller voir ?

J’ai téléphoné, et je suis allée voir.

Il y a eu l’avant, et l’après Centre Ressource.

Cette première fois, je suis arrivée à 10 heures à l’ouverture, et partie à 16 heures à la fermeture, pour me rendre à mon rendez-vous à 16h30 place Bellecour (trois stations de métro). Accueillie chaleureusement en ce lieu qui n’a rien d’un hôpital, par des gens tous bénévoles qui n’ont rien de soignants, j’ai pratiqué deux activités le matin, déjeuné sur place avec des bénévoles dans la grande belle cuisine bien équipée, puis me suis reposée seule dans le grand beau salon allongée sur le canapé (piano à disposition, peintures plein les murs), enfin encore une activité l’après-midi avec une orthophoniste neuropsychologue qui nous faisait « travailler le cerveau » par de petits jeux amusants que j’ai adorés.

Évidemment je suis revenue tous les lundis, trajets obligent, parce que je m’y serais bien rendue beaucoup plus souvent. Soins le matin, réflexologie plantaire qui me soulageait d’effets secondaires de la chimio, merci Florence, esthétique qui m’a tant redonné d’estime de moi avec mon corps encore un peu plus meurtri, merci Marie-Claude, activités de mieux-être (diététique, naturopathie, fort utiles au vu de mes problèmes intestinaux), activités collectives souvent l’après-midi (expression corporelle, merci Sophie, je me suis tant éclatée à danser, redanser à nouveau devant toi ce jour-là, ateliers cognitifs, pareil, merci Annick, art-thérapie, merci Margaux, je me suis lâchée en atelier d’écriture, méditation, yoga, Qi Gong. Et il existe bien d’autres activités. Merci à toutes, pour votre sourire, pour vos compétences, merci aux personnes de l’accueil d’avoir toujours éclairé mes journées de votre gentillesse mais aussi de votre respect de mon repos et parfois de votre discrétion : ici l’on parle si l’on veut de sa maladie, pas de discussion obligée, de la disponibilité et du sourire avant tout.

Des psychologues se rendent très facilement disponibles. Un pôle social peut aider dans le cadre d’une reprise de travail, entre autres. Les activités jugées adaptées à chacun sont dispensées gratuitement par des professionnels compétents, tous bénévoles au Centre Ressource, à toutes les personnes atteintes d’un cancer pendant et après les soins.

Et puis est survenue la crise sanitaire du coronavirus. Le Centre fermé pendant le confinement a maintenu des liens par internet et facebook, il a proposé des activités par vidéo et des vidéoconférences accessibles aux bénéficiaires. J’ai encore davantage mesuré l’extraordinaire investissement de tous ces bénévoles.

Le confinement et la crise sanitaire mettent le Centre tout nouveau et pas encore connu en difficulté. Il a besoin et mérite de se faire connaître. Tous les bénévoles, responsables, animateurs et accueillants s’investissent pour une réouverture réussie qui réponde aux attentes de nombreux malades atteints de cancer qui subissent de plein fouet l’accentuation de leur solitude due au confinement. En tant que bénéficiaire, je les soutiens et les remercie du fond du cœur. Je souhaite et j’ai besoin que le Centre Ressource de Lyon vive, en parallèle des établissements hospitaliers et sans aucune concurrence avec eux puisque ici pas question de soins médicaux, le but du Centre est d’aider les malades ou ayant été malades de cancer à faire résolument, dans un lieu non médical, le choix de la Vie.