Mon cher cancer,

Je te dis : Bon vent,

Je te salue

En présence de mes amis, de mon amour :

Aujourd’hui tu n’as plus de raison d’être

Et tu l’as compris.

C’est bon, 

On a fait un bon détour ensemble,

Désormais je poursuis mon chemin. 

Je te remercie.

C’était un peu difficile de t’accueillir

Mais très possible et utile. 

Je te remercie oui,

Pour cette pause que je n’ai pas su m’offrir avant. 

Un an et demi de calme, de repos, de recentrage, d’éclairage.

J’ai dormi, dormi, flâné, lu beaucoup, marché beaucoup, observé, connu toutes les facettes de mon canapé, rencontré tous les taxis du quartier,

J’ai perdu mes muscles, mes cheveux, mes poils, et je les ai retrouvés,

J’ai déposé mon stress et mon épuisement sur le bord des sentiers,

Des cailloux et coquillages au pied d’un arbre à Charcot,

J’ai lâché ; 

J’ai rencontré pleins de femmes, comme une communauté.

J’ai savouré mes proches, je me suis faite dorlotée. 

J’ai pu compter sur mes amis, ma famille,

Merci grand merci mon frisé, mes enfants,

Je me sens plus proche de vous, plus libre, plus ouverte, plus disponible, plus aimante, sereine et davantage moi.

Merci d’avoir su accueillir mes états, tout simplement, sans frayeur, avec calme, d’avoir marché patiemment à mes côtés. C’est si important, réparateur.

Des petites choses essentielles m’ont accompagnée chaleureusement chaque jour : une goutte de rosée, une fleur naissante, les nuages, les lumières, les couleurs, l’herbe mouillée sous mes pieds, le vent sur mon corps et dans mon bananier, les bruits de la nature, des rivières, les oiseaux au petit matin, les flammes et la chaleur du poêle, les tags sur les murs de ma ville, le sable et les couleurs des vagues mêlées au ciel, les sommets enneigés, l’odeur des crottes de brebis, Toulouse le chat et ses enseignements quotidiens. 

J’ai trouvé ma présence au présent, mes sens éveillés, disponibles. 

Que c’est bon. 

Nos corps nous parlent, nos corps sont nous. Le mien j’ai souvent eu du mal avec, et il m’a fait une surprise bien bizarre. 

Tout mon être a été secoué, éveillé, et j’en suis bonifiée assurément. 

Mes relations ont été bousculées, 

L’essentiel, le précieux se sont révélés.

J’ai peur encore, bien sûr. Je compose avec.

Ce parcours « de soins » m’a dévoilée des besoins bien éloignés de la chimio et des rayons, des fragilités et des compétences.

Être l’objet du prendre soin, recevoir de l’attention, de la douceur, être coconnée, encouragée, protégée, écoutée. Me donner ce temps du « moi au centre », du temps pour être dans ma bulle. 

Et ainsi tant d’émotions libérées, qui sortent de leur cage. 

Grâce à ce temps singulier, grâce à moi, à vous, à mon homme, ma famille, aux divers soignants, à leur optimisme porteur et leurs bons conseils, grâce à la sophro, l’hypno, la psycho, la diététicienne, la kiné, la médiation équine, la réflexo, le do in, à Chamonix, à la sophrophoto, et … par le sport ! oui le sport ! et le silence et le calme, grâce à notre caravane et nos escapades, grâce à la nature, grâce aussi à mes collègues qui m’attendent avec affection,

Je suis prête à projeter à nouveau le futur, à sortir du cocon.

Mes ailes sont recolorées, fortes, humbles, et se déploient. 

Prenez soin de vous-même mes amis, mon amour, mes enfants, ma famille, 

Soyez bienveillants avec vous-même,

Soyez votre meilleur ami.

Prenons soin les uns des autres,

Et vivons pleinement l’instant présent ! 

Merci Emma pour le choix de tes mots sur les maux que tu pouvais ressentir. 

« Dire les mots que je pense et penser les mots que je dis me permet de panser mes maux » 

Lettre à mon bien-aimé – Bookelis 2020 page 54 – Désiré Nelson